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Purge - compagnie soleil vert

Purge

matériaux et références

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-  Note d’intention de François-Michel Pesenti (Juillet 2013) [1]
-  Note d’intention de François-Michel Pesenti (Novembre 2013) [2]


-  Monologue de Laurent de Richemond  [3] « caviardage » à partir d’un texte de Michaux
-  Monologue de Karine Porciero  [4] en arabe, d’après Genet et Shakespeare...
-  Monologue de Maxime Reverchon  [5] un texte écrit par Maxime Reverchon
-  Monologue Peggy Péneau  [6] d’après un texte de François-Michel Pesenti

-  Samuel Beckett - Cap au pire (extraits) [7]

-  la section 25 - FMP et les acteurs (deuxième partie du spectacle) [8]

-  scène finale  [9] entre François-Michel Pesenti et Frédéric Poinceau
« les gens sont formidables » (scène Karl-Gunter) un texte de Suzanne Joubert


-  Morton Feldman  : Piano And String Quartet, 1985, Aki Takahashi (piano) & Kronos Quartet (strings) Elektra Nonesuch [10]


-  La peinture...
...parler de la grammaire des mains dans la peinture de la Renaissance, de la représentation de l’objet dans le cubisme, des corps traversés par la loi - celle de Dieu, celle du désir - du Greco, des feuilletages d’identité, des feuilletages de temps, de l’équivalence sur la scène de ces temps, d’un spectacle qui, se fabriquant sans cesse devant les spectateurs, refuse obstinément de naître. La peinture est la vraie histoire de nos corps. C’est la peinture, plus que la loi, qui nous retient d’écraser les vieilles qui traversent la rue. La peinture réactive, ressuscite sans cesse, la figure des hommes dans leur humanité...

-  Paul Cézanne  : Pommes (et poires...) [11]
-  Le Gréco  : Laocoon [12]
-  Charcot  : hystéries... [13]
-  Michael Schmid  : kurt schwitters performed by Michael Schmid / Ursonate  [14]
-  William Forsythe  : Solo [15]
-  Meredith Monk  : portrait [16]
-  Ingmar Bergman  : Cris et chuchotements - bande annonce / fragments (vostfr) [17]


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[1 Note d’intention de François-Michel Pesenti (Juillet 2013)

Pour dire un peu où en sont les choses, l’objet de ce spectacle est, tout au long de sa durée, une scène vide.
Un personnage invisible y règne : une pièce pour piano et quatuor à cordes diffusée par quatre haut-parleurs dans son intégralité. Plusieurs fois la chute brutale de la lumière en interrompra l’exécution.
Pour l’instant pas d’autres évènements à rapporter.
Pourtant je dois dire ici que sur cette scène blême et légèrement poudreuse, qui voudrait avoir force d’exigence à s’exempter de toute présence humaine, des personnages paraissent, interdits de la nécessité d’être là et ne sachant comment y renoncer.
Toutefois, à mon sens, ce n’est pas là qu’ils sont, là où nous les voyons sur la scène qui leur est, j’en suis sûr, une tour close où ils insistent à être dans une sorte de diffraction du temps commun : un conditionnel que n’annulerait pas le présent.
Il y a peu de eux aux morts, et démis ainsi de toute attente et de tout lien entre eux, ils n’ont pour justifier ce qui semble leurs vies qu’à distribuer les instants de la présence de leurs corps et leurs conséquences, toutes, pour l’heure, inconnues d’eux et de moi.
Voilà, concernant PURGE, ce dont aujourd’hui je m’inquiète.

F-M Pesenti, Juillet 2013


[2 Note d’intention de François-Michel Pesenti (26 novembre 2013)

J’ai écrit cette présentation de Purge il y a quelques mois. Aujourd’hui, alors que je vais rencontrer les acteurs pour la première fois j’accepte – j’y suis obligé – que ces quelques lignes désignent encore le projet de ce spectacle.
Or quelque chose est venu. Quelque chose dont je ne saurai rien dire mais qui altère la conscience que j’ai du monde et finalement m’en sépare. Dans quelques jours je ne pourrai penser à rien d’autre, sans savoir à quoi penser, ni comment y penser.
Cet objet que je dois faire, sans forme encore ni définition, je ne le connais pas et pourtant je le reconnais. Ce qu’il exige, ce qu’il vise sous le nom de spectacle, prend peu à peu la place de ce que j’imagine encore être moi..
Le Séjour (1989), Le Corps dans le bois qui brûle (1996), 1949 : if 6 was 9 (1997), Schneeknoten (2001), autant de spectacles que j’ai fabriqués en voulant surtout ne pas faire du théâtre mais rendre compte de cette chose qui aujourd’hui revient, comme un camp d’ombre fondant sur un paysage sans aucune cause météorologique.
Vous voilà donc prévenus. J’espère Purge plus incompréhensible et plus sombre encore que Schneeknoten qui révolta en janvier 2001 la bonne ville de Bâle. De la scène on ne voyait rien, strictement. Du texte on n’entendait rien, à la lettre. L’objet triomphait.
Que tant de signes, harcelants et blessants, prétendent rendre compte de l’intelligibilité de notre monde autorise le théâtre à nous convoquer à la logique de l’obscurité. N’est-ce pas le lieu le plus adéquat pour se rencontrer soi-même ?

(Le lendemain)
- Ne le fais pas ce dernier spectacle, François, renonces-y. Tu ne sais ni ce que tu veux montrer, ni ce que tu veux dire. A sec était très bien pour en finir.
- C’est toujours comme ça que ça commence. Par la disparition de tout.
- Qu’as-tu dit aux acteurs que tu as rencontré hier ?
- Je n’ai pas cessé de parler. De la grammaire des mains dans la peinture de la Renaissance, de la représentation de l’objet dans le cubisme, des corps traversés par la loi - celle de Dieu, celle du désir - du Greco, des feuilletages d’identité, des feuilletages de temps, de l’équivalence sur la scène de ces temps, d’un spectacle qui, se fabriquant sans cesse devant les spectateurs, refuse obstinément de naître.
- Est-ce ça la chose ?
- Pour l’instant.
- Mais à quoi ça sert de montrer quelque chose qui ne veut pas naître ?
- A débusquer ce que nous ratons à vouloir faire advenir des objets.
Il doit y avoir quelque chose que l’on rate dans notre acharnement à produire ? Non ?
(silence)
- Donc sur scène ils ne s’acharneront pas ?
- Vaguement.
(silence)
- Tu penses à quoi ?
- A Ingres, qui peignait des femmes biscornues, des corps improbables.
- Encore de la peinture !
- La peinture est la vraie histoire de nos corps. C’est la peinture, plus que la loi, qui nous retient d’écraser les vieilles qui traversent la rue. La peinture réactive, ressuscite sans cesse, la figure des hommes dans leur humanité.
- Plus que le cinéma ?
- Ozu serait arrivé trop tard.
- Pourquoi ne pas peindre alors ?
- Je ne sais pas peindre. Etre metteur en scène c’est plus facile, les corps sont déjà là, avec leur histoire. Et puis aussi, parce que je suis imperméable à la morale j’ai besoin par conséquent d’exemples. Le théâtre rend les choses et les gens exemplaires, là tout de suite, dans l’instant de notre présence à eux.
- Purge, ce sera donc quand même du théâtre ?
- Non.

F-M Pesenti, 26 novembre 2013


[3 Monologue de Laurent de Richemond
« caviardage » à partir d’un texte de Michaux

our têt a cssée et té preuze
embre éanti pa acca ou tor, éanti dans un dern déses
tique un ien qui rait
ant à je temple gên plan misé sach au vrai, quell ded
quell ded émê, émê, et mê ssis tell a
mal es troce, mal es troce
mal es troce que ati xa mess orce d’par et grès dmon mal par cide
tan à ir core d’hu endemain m’aller aux ments rances
lpe reute qu’a une ne trême
l’op plein minant, l’op plein immient
s’n’est déjà teint
cepe e lende iste core à la zion issant et déjà bie ce pouvu orté
quell er ?
que je ai bien pêché isé
qu’e ce offr ? qu’e ce onnez ? qu me ra oid xist ?
au sson onne âme
et à te ?
qu ce vou me onn p ma oif ?
qu’ vou éparez ?


[4 Monologue de Karine Porciero
texte en arabe, d’après Genet et Shakespeare...

Laou koumtouan alta lita
Cni wa adasoua fi makanisa aou an agida
wa zidatan ourra garëas aou wardiya
la kina cnya dafat
melsounatoum fia sasatou maouliti
melsounatoum fia sasatou mamati
ya schtasilou kia la hamaëou rourman sani
ip taïdi min souna ! Ip taïdi min souna ayatouga el ëathoira !
Man talaba minki el baëas bijannibi !
Snia mountaliatoun biddamasi fala sra shaian
Snani thnatan zaalika aktharou mimma yambari
Dami Tasabi woufaza el rathayan touzfirou koulaha
An nahou yatawejjabou salleia an attrouka jassadi
Wa hidatan, wa hidatan sa attroukou satta el makan
Ana al safira el mesh zouma
Sa akounou yaa bissa, barida, moutta shaëiëa,
rrawiya, monja hada kaëa diben sarir jii laylaten baaria
Oumthourou illa waji thouma nta siddou min founa
Wan zilou illa el jahim wa arnbirou annani ëadar selthoukoum
Ya ayatoufa elmouthanabaatou el sabirat
mous alinatoum tareiyousa el azamani wel arwel
Srfai jadda ilaki lamisa fissersama
li tajloudi bifatilka anoujoum el abissa el moutamarida
Sa s tamadadou founa li amout
Wel an’ wa bi asnen wazida allaya annouzoulou nazwoua el baout
As allou nafsi zwaifa affhalou zaalik


[5 Monologue de Maxime Reverchon
un texte écrit par Maxime Reverchon

Mon secret bien gardé, qu’est-ce qu’il prouve ?
Qu’est-ce que prouve cette preuve ?
Te la confronter !
Mais rarement, peu.
Que deviennent les mots qu’on a pas dit ?
Trop rarement, trop peu d’amour sans secret.
La preuve parlée, tu pars derechef ou tu me donne une preuve ?
Monstrueux que tu t’imagine pouvoir trouver, à finir de cheminer ça grâce à moi ?
Non. Oui. Si je pense pouvoir finir cela par ce biais là, d’un commun accord sur ce noeud noué tout juste.
Quel est le contrat ? Votre contrat.
Je ne suis pas parti derechef. Je lui confronte que, je ne suis nul par dans la preuve que t’as avancé.
L’un et l’autre de son côté. L’un et l’autre d’un côté, et de l’autre côté, tout est plus ouvert, ça taille la part des choses. De ma preuve sans fondements, je garde maintenant pour sûr le front où nous sommes postés.
Ses mots encore, m’effrayent. Je n’y suis pas. Et tu ne m’y fera pas tenir !
J’y ai renoncé aussitôt dit, aussitôt fait c’est plus à dire. C’était juste quelques mots, et ils n’ont jamais eu cours puisque tu réponds que ça a jamais eu cours que de mon côté.
De ce côté ci. Même si une part des choses se taille, dans cette preuve là à toi, tu tire quoi ? Tu en tire quoi ? Retire, tu retire pas cette preuve de nous ? Elle est taillée par ce que je te confronte, mais qu’est-ce qu’il en reste ?
Dur à dire. Je suis inconscient… une intercation de nous deux ! Et une limite concrète, mise à plat, à découvert… Nous y sommes beaux et … Je pense pouvoir voir ensuite si après ton départ - d’un commun accord, au moins, cette distance là émeut ?
C’est la preuve que tu me demande ?
J’aurais pas du te la dire. Alors seulement, un mot, donné, rendu, repassé, caché, attendu, envoyé, des échanges qui font des voeux.
On en est pas là.
Oui même c’est trop tard pour ça, trop tard et juste après une promesse qui n’a pas eu lieu.
Il aurait fallu que tu partes par toi-même.
Tu m’aurais appelé depuis l’autre côté de ce front où nous sommes postés ?
Peut-être, je n’en sais rien. Qu’est-ce qu’il reste à dire ? J’entends, t’es effrayé de la frontière que je prouve, apeuré de ce qu’il arriverait si, de loin en loin se referme sur toi parti, et moi resté ici, ou l’inverse. J’ai une nausée (crachat), voilà ce qui reste de la part des choses : cette belle frontière émue. Pourquoi tu m’en a formulé la demande ?
Par ce que tu me demandais ce qu’il restait de la part des choses entre toi et moi, retiré de ma preuve de notre précédent amour.
Retaille une part. Non, j’en retire une moi-même.
Oui ?
De ce que ça aurait dû m’émouvoir de nous savoir de front l’un en face de l’autre.
Ça taille ici. C’est que ça pouvait être. Non rien d’ému devant cette frontière.
Qu’est-ce qu’il reste de preuve ?
Je sais pas te dire, tu te ressemble plus. Mais puisque c’est tout seul que je suis là, de si loin, depuis la prière d’une preuve sans fondement, et plus loin que ce fondement, c’est aveugle rien à dire ; et présentement, tu retourne de là bas, et tu te présente,
vieillie, par ce que tu reste, sans faire mine de bien vouloir rester. Je me dis il faut que je parte, ou toi. Je reconnais plus là mon premier amour, taillé comme ça. Tu me renvois, à ta vue, là, derrière, avec ce bout taillé. Où je vais ?
Sûr je continue ce que je fais ici, je marmonnais là derrière. D’ici à là je m’affairais à des bouquets, m’occupe des besoins des morts et m’accroupis comme toujours au jardinage. Je dis accroupis, par ce que tu reste jamais - ému de la beauté tout ça -
assez pour voir ce que je fais. D’autres gestes pour toi, si tu veux te rendre utile tu as pour mission de « sauver » ce bout, je rappelle, mais c’est pas moi qui l’ai dit, ça va d’office avec le bout, moi j’en sais rien. Pour ma part je continue ici à faire ce que
levé tous les matins j’ai l’habitude de faire. Du jardin ou des bouquets, en fonction, ça dépend de la part que je prends à la peine du jour..


[6 Monologue Peggy Péneau
d’après un texte de François-Michel Pesenti

Je suis de l’eau sur de l’eau sur de l’eau.
Oui, à l’entendre, j’entends. Je suis la pouf du cul. C’est à l’avenant de tout. Comme on fait on le dit. Et ça ne passera pas par rien. Pour le coup de l’autre, je ne devrais pas en être. Entendez-vous ? Je ne devrais pas en être. Oh, c’est terrible maintenant que c’est dit. Je n’ai plus rien à dire. Et puis j’ai lu tant de mauvais livres qui iront, en fin de compte, après chacun ajouté à chacun des autres caresser la tête dans le sens du poil : flatter, en somme. Je reste là comme une conne. Même pas une chaise pour m’asseoir. Tant mieux après tout, à tout faire vaille que vaille. Je ne suis, pour qui l’écoute, prise de rien. Et quand elle dit rien, ce n’est pas encore le reste mort-né de quelque chose que je ne saurai dire, putain, putain de vierge, c’est difficile. Marcelle ! Marcelle ma soeur, mon amour, viens, j’ai vêlé. Je veux donner mes enfants, viens, tu t’occupes si bien des morts.
Oh mon Dieu, mon Dieu, je ne suis même pas dans une tragédie, je suis dans une épicerie avec un cancer du coeur peut être. Je ne pourrai plus dormir, si ça se trouve. Peut-être que ça m’est arrivé de retrouver le cancer du sein. Il ne l’a pas fait sur moi. Ni sur moi, ni il ne l’a battu à mort. Je veux qu’on s’embrasse avec un vieux, Marcelle. A jamais. Marcelle, Marcelle mon amour mon amour, la puceresse, si tu savais comme tu me manques. Je vais faire la mouche. Peu. Oh je ne sais pas. Allez, un peu. Bzz bzz. C’est terrible de vie manquer, cet être venu comme tout le monde pour riener, pour riener, riener… A l’assomption, on s’en rend compte, que l’on rienne. A supposer encore qu’à tout prendre, mieux vaut rien que la peine de l’absence d’un autre. Il faut des fleurs pour dire ça. Mieux vaut rien que l’absence de la pensée d’un autre. Maintenant je suis calme. Et je ne veux plus embrasser un vieux. Ah, ça me dégoutte leur menu à 75€. Ça m’aurait disjoncté ! Je n’aurais pas pu le faire. Putain, heureusement, Mère de Dieu, tu m’as léché la conscience. J’en vomis en plus. Je suis fatiguée. Elle disait je suis fatiguée, elle ne sortait pas. Elle restait devant eux, en vérité, elle n’était pas fatiguée de l’abattage, il n’avait pas commencé. Elle insistait sur le dessert. Je suis fatiguée comme une mouche collante en hiver. Ailleurs, pas ici. Sous l’assaut de la neige pégueuse. Toute seule, sous la tombée de la pluie, blanche, glacée, pégueuse. Oh, hélas, hélas, que le vieux me donne la main, qu’il me la prenne, et que tant qu’à faire, il m’embrasse. A tout prendre, pour lui aussi. Que ça chochotte sous la terre, à l’abri du temps. Comme tout le monde avec ses amours. On ne va pas y aller par les chemins, puisqu’il n’y en a plus. A un moment, il n’y en a plus. Ça commence à reculons. Je vais finir la mouche. Dieu, donne moi un linge pour laver mes mains et ma bouche.
Dieu, donne quelque chose. Une fois.


[7 Samuel Beckett - Cap au pire (extraits)

...Rien du bassin jusqu’en bas
Rien que le dos
Tronc vu de dos sans haut ni base
Sur genoux invisibles
Dans la pénombre vide...

...Cette tête dans cette tête
Yeux collés à ça seul
Le crâne incliné
Yeux clos écarquillés
Yeux clos collés aux yeux clos écarquillés...

...Dire des os
Nul os mais dire des os
Dire un sol
Nul sol mais dire un sol...

...Essayer encore
Rater encore
Rater mieux encore
Ou mieux plus mal
Rater plus mal encore
Encore plus mal encore...


[8 la section 25 - FMP et les acteurs (deuxième partie du spectacle)

Peggy

Je m’occupe à mon désoeuvrement, je remets mes cheveux en
place, est ce que je pince mes lèvres maintenant ?
Oui.

Laurent

Je fais semblant d’être apaisée, comme après avoir fait un choix.
Un bon choix.
Mes jambes, je les frotte l’une contre l’autre, comme par grand
froid.

Karine

Sors Peggy

Une femme au mur du lointain assise les jambes écartées la tête
dans ses mains.
Assise la tête dans ses deux mains.

Laurent, appelle l’épervier

Roule

Peggy

Regarde Laurent

Maxime

Regarde Laurent

Laurent
Texte !!

Tu ne veux pas montrer ton visage ? Pourquoi tu as
honte ? Pourquoi, personne ne te connais.

Sors Maxime

Tu ne veux pas me donner la main ?
Tu ne veux pas me donner la main alors démerde toi !

Sors Karine

Tombe

Lève toi

Laurent
Vomis !

Maxime
Regarde Laurent vomir

Sors Laurent

Sors Maxime

Peggy. Texte !!

Bonjour c’est moi.
Oui.
Oui, c’est moi. Ça va ?
Oui.
Tu es là depuis longtemps ?
Oui.
Dehors il pleut, ça n’arrête pas. Regarde moi, regarde moi j’en ai
besoin aussi. A tout à l’heure.
Oui, plus tard.

Sors Peggy...

Peut-être qu’un objet est ce qui permet de relier, de passer d’un sujet à l’autre, donc de vivre en société. D’être ensemble. Mais alors, puisque la relation sociale est toujours ambiguë, puisque ma pensée divise autant qu’elle unit, puisque ma parole rapproche par ce qu’elle exprime et isole par ce qu’elle tait, puisqu’un immense fossé sépare la certitude que j’ai de moi même et la vérité objective que je suis pour les autres, puisque je n’arrête pas de me trouver coupable alors que je me sens innocent, puisque chaque événement transforme ma vie quotidienne, puisque j’échoue sans cesse à communiquer, je veux dire à comprendre, à aimer, à me faire aimer, et que chaque échec me fait éprouver ma solitude, puisque… puisque… Puisque je ne peux pas m’arracher à l’objectivité qui m’écrase, ni à la subjectivité qui m’exile, puisqu’il ne m’est pas permis de m’élever jusqu’à l’être, ni de tomber dans le néant, il faut que j’écoute, il faut que je regarde autour de moi plus que jamais, le monde, mon semblable, mon frère.

Texte lu par François-Michel Pesenti
(Jean-Luc Godard - 2 ou 3 choses que je sais d’elle - 1966)

Maxime

Va voir l’épervier, Laurent

Insistant jusqu’à la veulerie, pour servir à quelqu’un, je souris,
crispé de soumission orgueilleuse.
Mes yeux roulent sur le côté pour échapper aux siens. Je fais la
même chose avec tout le monde.
Il ne faut pas me parler, il faut seulement me toucher. A l’endroit
où l’on veut. Je ne m’offusque d’aucun geste. Je suis là pour ça.

Maxime, va chercher la viande pour l’épervier

Karine

Là.

Peggy

Sors Maxime...
Laurent, aboie !!

Laurent, sors...

Karine, texte !!

Vous le connaissez ? Il est toujours là.
Non, je parle aux gens comme ça, c’est un exercice.
Vous ne le connaissez pas ?
Non. Vous voulez que je vous embrasse ?
Non.
Vous savez, ce n’est pas par lesbiennerie.
Non, non, je sais.
Oui, vous savez.
Pourquoi il pleure ?
Oh, nous sommes tous très fatigués.
Vous pleurez aussi, comme lui ?
Non, c’est vrai, mais ça ne se voit pas.
Vous avez vu la maman et la putain ?
Vous savez, je ne connais personne ici.
C’est un film. C’est le nom d’un film de Jean Eustache.
Je n’ai pas d’argent pour aller au cinéma.
Vous faites quoi ici, vous attendez un taxi ?
Je n’ai jamais pris un taxi. Laissez moi vous embrasser.
Ne me touchez pas.

Sors Peggy...

Karine, tombe !!

Sors Karine...

Que faire de ceux qui vivent leur vie à part de nous ? Où les
ranger ? Où les faire attendre ?
Des morts aux Noirs, des Noirs aux pauvres, des pauvres aux fous.
Leur tournant à le dos, les laissons nous travailler à une ou
plusieurs choses, qui ne nous concernent pas mais qui seraient
dangereuses pour nous, parce que vitales pour eux ?
Ou alors, est-ce dans ce monde-ci, que nous croyons habiter tous
ensemble, que chacun peut y être à la condition que tous les autres
en soient déjà partis, ou pas encore arrivés, ou jamais été ? Ou n’y
seront ?

Karine

Tombe

Maxime
Laurent

Laurent remporte la viande, il n’y a pas d’épervier.
Karine : Mais Laurent dit qu’il a chié !!
Karine, sors.

Laurent

Karine
Laurent a vomit tout à l’heure, il faudrait nettoyer.

Peggy

(Karine entre avec du sopalin dans chaque main)

Tombe.

Sors Maxime

Karine, sors
Laurent, sors (il ne sort pas)
Maxime, sors
Peggy, sors


[9 scène finale entre François-Michel Pesenti et Frédéric Poinceau
scène Karl-Gunter / « les gens sont formidables » un texte de Suzanne Joubert

Arraché la tapisserie et le vernis des portes et la moquette et les fils électriques et la toile cirée et la chemise et les albums de Joy Division et l’air vide et le bruit de l’ascenseur et les disputes des voisins de palier et l’attente et les fuite du lavabo et la fiente des oiseaux sur les carreaux.
Arraché les fuites du lavabo et l’absence de courrier sous la porte et le trafic qu’on n’entend pas et l’odeur des urines et le silence et l’aboiement du chien et le chien.
J’ai arraché le chien. Ses tendons et ses yeux pendent là à mes pouces.
Je ne laisse rien derrière moi.

Salut.

Salut.

On y va ?

Oui, on y va.

Tu ne dois plus venir ici. Tu ne peux pas te tromper dans ce que tu as à faire. Tu n’as rien à faire. Tu comprends ? Oui tu comprends. C’est quoi ces traces sur le visage et les bras.

Je ne veux pas rester seul.
Je veux voir le ciel et penser avec les autres qu’il est clair.
Je veux avoir le sens des choses très exactement.

Tu perds le fil.
Tu as fais quoi avec tes mains.

J’ai soif.
Je veux ressusciter.
Je veux être à nouveau parmi vous.
J’ai soif.

Tu n’es plus rien et tu n’as plus rien qui fait que tu sois quelque chose.
Tu n’as plus de poumons ni de colonne vertébrale.
Tu ne peux plus mettre ton pantalon tout seul.
Et tu veux…

Ressusciter.
Viens vers moi. Serre moi contre toi. Là.
Nous ne faisons plus qu’un.
Répète.

Nous ne faisons plus qu’un

Amants, ou frères, ou père et fils ou autre chose qu’on ne sait pas.
Répète.

Amants, ou frères, ou père et fils ou autre chose qu’on ne sait pas.

Mais UN.
Répète.

Mais UN.


[10 Musique de Morton Feldman / Piano And String Quartet, 1985, Aki Takahashi (piano) & Kronos Quartet (strings) Elektra Nonesuch


[11 Paul Cézanne  : Pommes (et poires...)


[12 Le Gréco  : Laocoon


[13 Charcot  : hystéries...


[14 Michael Schmid  : kurt schwitters performed by Michael Schmid / Ursonate


[15 William Forsythe  : vidéo Solo


[16 Meredith Monk  : vidéo portrait


[17 Ingmar Bergman  :
vidéo Cris et chuchotements - bande annonce vostfr

Ingmar Bergman  :
vidéo Cris et chuchotements - fragments vostfr